Invite

à ceux qui suivront la prochaine session d’introduction à la Médecine Orthopédique Générale selon le docteur Cyriax.

Du piège des cours « structurés », des plans, des connaissances théoriques, des vidéos, de la transmission « détachée » que le docteur James Cyriax n’affectionnait pas…

« J’ai vu plus loin que mon maître parce qu’étant un nain j’ai été juché sur les épaules d’un géant » Bernard de Chartres, philosophe du XIIe siècle… repris plus tard par Newton.
Jean-Michel Oughourlian. Notre troisième cerveau. page 147

Cyriax montrait, il travaillait devant ses « élèves » et les corrigeait, parfois de façon rude avec humour… Il fut un modèle en retrait par rapport à son image, nullement préoccupé de la fabrication de sa propre statue…, l’un des rares, d’ailleurs, à ne pas avoir créé d’école ou de marque de fabrique, trop occupé qu’il restât à creuser encore et encore les nouvelles connaissances qu’il avait mises en évidence et qui, plusieurs décennies après sa mort, échappent encore au plus grand nombre tellement ses découvertes constituèrent une révolution de type copernicien. Copernic qui n’as toujours pas été réellement intégré, car ne dit-on pas encore que le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest plusieurs centaines d’années après le décès de Copernic alors que c’est…, faux !

Nous pratiquons un métier manuel dont la transmission, convenons-en, devrait relever de l’art, du partage et de l’imitation bien conçue. Or trop de « formations » que j’ai suivies étaient organisées autour de connaissances abstraites soutenues par des concepts souvent nébuleux, d’ailleurs. Les gestes thérapeutiques y étaient souvent montrés une ou deux fois et les élèves croyaient très (trop) vite qu’ils savaient, renforcés dans leur illusion par des enseignants peu enclins à transmettre leur savoir-faire, trop préoccupés qu’ils étaient par la possibilité que leurs élèves devinssent ensuite leurs rivaux.

Je voudrais vous proposer une autre dialectique : celle qui vous permettra d’imiter ce que je sais le mieux, celle au cours de laquelle je vous laisserai voir ce que je sais moins bien et, surtout, celle qui nous permettra de stimuler nos neurones-miroirs respectifs et ainsi permettre l’émergence de ce que nous n’attendions, ni vous ni moi. Je souhaite donc qu’un « nouveau moi » (comme le désigne Jean-Michel Oughourlian dans son dernier livre) surgisse au cours de ces quelques jours, surpris par la nouvelle imagination et la nouvelle intelligence que nos « moi » respectifs n’auraient pas pu prévoir.

« L’apprentissage implique la participation spontanée de l’élève, mais aussi de l’enseignant. Par exemple, si je veux apprendre à pêcher, je peux me cacher derrière un arbre et regarder faire le pêcheur, mais ce que je fais se réduit presque alors à de l’espionnage et j’ai peu de chances de faire des progrès. En revanche, si j’accompagne un pêcheur expérimenté, qu’il me montre les gestes à effectuer et que je les imite sous son contrôle, je suis un bon élève et j’apprends plus rapidement. Pour qu’il y ait apprentissage à proprement parler, il faut que le modèle se comporte comme tel et qu’il essaie délibérément et consciemment de transmettre son savoir ou sa technique en aidant l’imitateur à se perfectionner. Celui-ci doit vouloir apprendre et le modèle, professeur, doit vouloir enseigner. »
Jean-Michel Oughourlian. Notre troisième cerveau.

Mon souhait le plus cher sera donc d’associer nos volontés afin que vous accédiez à ce que je sais le mieux, que vous puissiez mesurer ce qu’il me manque encore afin de nous entraîner les uns les autres au-delà de nous.

Je vous propose aussi de nous hisser sur les épaules de nos illustres géants. Depuis Copernic jusqu’au docteur James Cyriax en passant par Darwin, Newton, Claude-Bernard, François Jacob, Antonio Damasio, Giacomo Rizzolatti et, bien sûr, les docteurs Ombregt et Missotten dignes successeurs du docteur James le docteur James Cyriax. Nous hisser sur les épaules de tous ces hommes qui, depuis Job, eurent le cran de dire « non »…

Kepler (mort le 15 novembre 1630) a dit non à la grande tradition pythagoricienne notamment en méditant sur les flocons de neige. « À partir de ce presque Rien, un minuscule atome de neige, j’ai été proche de recréer l’Univers entier, qui contient tout ! »
Johannes Kepler. Strena seu de nive sexangula [Etrennes ou la neige hexagonale].

http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-les-battements-du-temps-16-un-cadeau-de-nouvel-an

Kepler

Copernic et Galilée ont dit non à la perception (la certitude) que la terre était au centre du monde (et par là, notre nombril).

Copernic et Galilée

Darwin a dit non à un monde qui aurait été créé pour nous (encore notre nombril, la remise en question de notre lecture spontanée du monde et la confiance que nous faisons à nos sens…)

Darwin

Ceux-là ont initié une grande mouvance : celle qui devrait nous mettre en garde à propos de la confiance que nous pouvons donner à nos sens et à nos explications rapides (H. L. Mencken le résuma magnifiquement dans une phrase célèbre : « Il existe pour chaque problème complexe une solution simple, directe…, et fausse »).

Avec la démarche scientifique appliquée aux maladies, la médecine franchit un cap déterminant. Tournant le dos aux « pourquoi » (il faut relire les descriptions des tuberculeuses avant la découverte du bacille de Koch et des antibiotiques… Elles étaient psychosomatiques, « holistiques »… et complètement à côté de la plaque) la médecine se concentra sur les « comment ».

Il y eut des « non » célèbres dont celui de Claude Bernard, puis de Karl Popper (pour ne citer que les plus connus)… Nous étions au début du XXe siècle et, depuis, plus personne ne craint vraiment la grippe (dont mourut ma grand-mère, comme tant d’autres lors de l’épidémie de 57), la polio, le tétanos, le choléra… Reste à savoir si nous avons vraiment renoncé à nos anciens automatismes « naturels » qui trouvaient très rapidement une explication de cause à effet (ou psychologique). On peut en douter quand on se promène dans tous les rayons « Bien-être » de nos librairies et que nous sommes tentés par ces dizaines d’ouvrages qui déclinent à l’infini ces automatismes, ces pensées aussi communes que vieilles selon lesquelles la maladie aurait un sens.

Il faut remarquer, à la décharge de nos contemporains que, si la technique et la science sont rentrées dans l’âge adulte en creusant la question du « comment ? », le temps psychologique de chaque homme depuis 1920 n’a peut-être pas eu le temps de métaboliser cet énorme pas pour l’humanité lorsqu’il s’agit de notre santé : le passage du « pourquoi ? » au « comment ? ». Ce pas fut un grand pas pour la médecine, mais c’est à petits pas que la majorité des hommes y accéderont. Contrairement à ce qui se passa en 69 très loin de notre terre qu’Amstrong résuma dans une phrase que personne n’a oubliée parce que tout le monde l’a vu poser le pied sur la lune. Alors que les grandes révolutions remettent toujours en cause nos sens et nos automatismes « naturels » issus des grands récits ancestraux.

Rappelons que Claude Bernard est considéré comme l’un des principaux fondateurs de la démarche expérimentale hypothético-déductive, formalisée souvent (et parfois rigidifiée) dans l’enseignement par « OHERIC » pour : Observation – Hypothèse – Expérience – Résultat – Interprétation – Conclusion.

Rappelons aussi que pour Karl Popper « il faut donc considérer l’induction comme un “mythe” dans l’élaboration de toute connaissance objective, et que le passage à un autre mode d’évaluation des théories, devient, par cette voie, logiquement nécessaire : si l’on ne peut évaluer le contenu empirique des énoncés universels stricts de la Science, sur la base de leur sous-classe d’énoncés particuliers “permis” par eux, il est par contre possible de les évaluer à partir de tests permettant de confirmer ou d’infirmer l’occurrence d’un seul de leurs énoncés “interdits”, ou, comme l’écrit Popper dans La logique de la découverte scientifique, les “falsificateurs potentiels” des énoncés universels stricts. »

Claude Bernard et Karl popper

Antonio Damasio et sa femme ont démontré que Descartes avait tort. Non : nous ne pouvons gérer notre vie par la raison raisonnante.

Damasio et sa femme

Récemment la découverte des neurones-miroir (Giacomo Rizzolatti et son équipe) a mis en évidence que nous ne sommes (depuis le berceau) que par les autres. Non nous ne sommes pas des  « individus » (des monades). Et la psychologie devra dépasser le divan, la psychologie sociale, la sociologie et tous les autres logos à propos de l’homme pour qu’ils se fécondent les uns les autres (en s’imitant, sans doute) pour accéder à ce que l’homme a toujours été : un interdividu.

Giacomo Rizzolatti

Le Professeur Oughourlian (psychiatre), utilisant lui-même les découvertes de Rizzolatti, vient de nous inviter à dire non à une lecture individuelle de la psychologie et nous désigne une nouvelle révolution : celle de la psychologie « interdividuelle » initiée à la fin des années 70 par les intuitions et le travail acharné de René Girard.

Tant de « non », tant de renversements auraient dû interpeller les anciennes évidences de ceux qui font métier de s’occuper des douleurs de leurs prochains.

Le docteur James Cyriax a démontré l’inutilité du massage et de la chaleur… Il a aussi développé une stratégie d’examen clinique programmé « à distance » et en amenant la « suspension du jugement » jamais atteint en orthopédie non chirurgicale. Où en sommes-nous chacun ? Aurons-nous le cran de le suivre jusqu’à constater par lui que nous, kinésithérapeutes, nous pouvons peu, surtout sans un dialogue étroit avec un médecin averti de la démarche de la Médecine Orthopédique Générale ?

La nosologie médicale croit avoir fait un pas en avant en assemblant deux anciens mots pour constituer un nouveau syndrome, puis en en faisant une nouvelle maladie : « la fibromyalgie » (même si certains rhumatologues réfutent ce terme et lui préfère le « syndrome idiopathique douloureux diffus »). Nous voilà bien avancés… et on pouvait s’attendre à ce que le nombre de « fibromyalgiques » explose.
Car, non seulement la médecine actuelle (ignorante de la Médecine Orthopédique Générale et de son concept central [la douleur projetée]) invente une maladie pour cacher son ignorance, ce qui lui échappe et le temps qu’elle n’a pas pour tenter de comprendre sans avoir recours aux examens techniques (très rentables, par ailleurs pour les services spécialisés), mais en plus le diagnostic aboutit à une prescription:  massages et fangothérapie !!! (comme dans l’Égypte ancienne.) Tout ça pour ça ! Faut-il s’étonner de la colère et des revendications de ces « fibromyalgiques » ?
Pauvre branche de la médecine qui n’existe que dans un organigramme ! Pauvres kinésithérapeutes abandonnés à eux-mêmes autant que ces milliers de douloureux chroniques.

Et s’il fallait revenir aux « non » du docteur James Cyriax et en accepter les conséquences. Toutes les conséquences.
Car nos douleurs mentent :
Non, même si nous ressentons des douleurs et des contractures dans le trapèze, celui-ci ne souffre d’aucune pathologie.
Non, même si le massage et la chaleur soulagent ils ne jouent que sur le contrôle temporaire de la douleur au niveau de la moelle, mais pas au niveau de la cause anatomique de la douleur.
Non, nous ne guérissons pas vraiment. Nous nous adaptons simplement (en perdant de l’autonomie) à des pathologies qui évoluent de façon autonome sans que notre cerveau conscient (ou inconscient, d’ailleurs) ait de prise.
Non, les hypothèses spontanées des thérapeutes (psychologues ou médecins) ne sont pas fiables, car elles entérinent les récits ancestraux et font confiance à nos sens.

Et l’on pourrait allonger la liste de ces « non »…

Reste à savoir si ceux qui viendront accepteront de se hisser sur les épaules de ce géant et voir plus loin…

Peut-être. À condition de faire le deuil de la toute-puissance et de la facilité !!!

le docteur Cyriax

Sur les épaules de Darwin. Sur les épaules des géants, se hisser sur les épaules des géants, et voir plus loin. Voir dans l’invisible à travers l’espace et à travers le temps.

Tenter de faire surgir, de percevoir, de ressentir les innombrables dimensions du monde qui nous entoure.
Tenter de vivre ce que nous n’avons pas connu, ce que nous pouvons percevoir et ressentir de l’extérieur, ce qui nous éblouit dans l’étrange splendeur du monde vivant. Sa présence, et les traces de son lointain passé, ses éclats, ses témoignages muets que la recherche fait soudain surgir de l’oubli, nous révélant ses anciennes métamorphoses et son extraordinaire capacité à se survivre, et à se transformer. »

« La seule vérité durable, c’est le changement ». Octavia Butler

Sur les épaules de Darwin, sur les épaules des géants, se tenir sur les épaules des géants et voir plus loin mieux voir, voir dans l’invisible, à travers l’espace et à travers le temps, voir apparaître par delà nos intuitions, nos perceptions et nos certitudes, d’autres dimensions qui nous rendent le monde plus riche, à la fois plus étrange et plus compréhensible, qui nous permette d’en reculer les frontières, d’en révéler les turbulences, d’y découvrir des régularités cachées.

Jean-Claude Ameisen

Jean-Claude Ameisen

Juché sur les épaules d’un géant, on n’est pas plus intelligent, mais on voit plus loin, on voit autre chose, autrement. Cette nouvelle perspective, Jean-Claude Ameisen fait en sorte de la garder toujours en point de mire et ajoute à la découverte une leçon morale aussi généreuse que simple : émerveillez-vous et jouissez de la profusion des possibles. Ayez, comme lui, l’esprit réjoui de la diversité et de la magie du monde.

http://www.franceinter.fr/emission-sur-les-epaules-de-darwin-le-lien-qui-nous-rattache-aux-autres

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