Ce qui suit relate une histoire vraie…
Il était une fois…
Il était une fois un homme de plus de 50 ans aguerri à la démarche de la Médecine Orthopédique qui, en se levant un samedi, sentit une douleur importante au ventre (en haut et à droite)… Cette douleur s’accompagnait de spasmes digestifs, d’aérophagie et de douleurs dans la région dorsale.
Comme tout le monde en cette situation, il imagina qu’il s’agissait d’un trouble digestif lié à ce qu’il avait mangé la veille, ou au café qu’il venait de prendre… Et, comme tout le monde, il essaya de s’aider lui-même sur base de cette hypothèse « évidente ». Buscopan, antiacide, etc.
Rien ne l’aida et la douleur augmenta jusqu’à ce qu’il se résolut à prendre un antidouleur de classe 2 (Contramal).
Comme tout le monde, il évita de manger et pensa que les douleurs cesseraient… Mais elles augmentèrent au point que le dimanche il se rendit aux urgences en pensant qu’il s’agissait de calculs à la vésicule biliaire (il avait fait lui-même le test clinique de base -le test de Murphy).
Embêtant certes, mais pas grave, se disait-il !
Après une attente raisonnable, il fut reçu par une urgentiste sympathique, consciencieuse et manifestement expérimentée. Elle écouta, réalisa son examen clinique… à la recherche, entre autres, du signe de Murphy…
Cet examen clinique fut sans appel : la douleur était insupportable et l’urgentiste paria qu’il s’agissait de calculs à la vésicule biliaire. Elle était à ce point sûre qu’elle commença les tests pré-opératoires en attendant la confirmation de son hypothèse par l’échographie.
Ensuite, ce monsieur retrouva l’urgentiste qui lui annonça avec grand étonnement que l’échographie n’avait rien révélé !!! Mais après réflexion elle lui conseilla de rencontrer un radiologue privé de renom… il trouverait, pensait-elle ! Et, un peu dépité et fatigué par les douleurs, il sortit des urgences… Qu’allait-il devenir ?
Le radiologue de renom chercha avec tous les moyens dont il disposait et fit son rapport au médecin généraliste : il n’avait rien trouvé !
Les jours passaient et ce monsieur souffrait toujours autant. Il rencontra son médecin généraliste qui prescrivit une IRM pour « voir ce qui aurait pu échapper à l’échographie »… Pancréas ???
C’est à partir de ce moment que ce monsieur (formé par ailleurs à la démarche de la Médecine Orthopédique) commença à penser ses douleurs autrement. En effet :
– il souffrait de façon très intense de l’abdomen (en haut et à droite)
– mais il souffrait aussi (moins fort) au niveau thoracique
Certes, on avait eu tendance spontanément à penser à une pathologie abdominale,
mais :
– « on » avait négligé les douleurs thoraciques
– « on » n’avait jamais testé sa colonne dorsale
or
si une pathologie abdominale peut donner des douleurs projetées dorsales,
des troubles (essentiellement « discaux ») au niveau thoracique peuvent provoquer des douleurs projetées abdominales.
Ce monsieur se rendit donc assez sereinement faire cette IRM (à la recherche d’une pathologie grave au niveau du pancréas).
Quelques jours plus tard, son médecin lui annonça : « tout va bien »… Et « on » lui suggéra qu’il devrait peut-être réfléchir à son mode de vie, à son stress… qu’il devrait peut-être « se faire aider ».
Ce monsieur, que vous avez peut-être reconnu, procéda à une synthèse soigneuse de son parcours en négligeant les « explications à la mode » comme « le stress ».
Synthèse :
– Douleurs abdominales intenses + douleurs dorsales
– Pas de pathologies abdominales
– Pas de prise en compte des douleurs dorsales
– Pas d’examen clinique dorsal
Il réalisa, alors, lui-même une partie de l’examen de sa colonne dorsale, puis il fit part de son hypothèse à son ami et « maître » (formé à la Médecine Orthopédique par le docteur Cyriax) :
« Et s’il s’agissait d’un « slipped disc » » comme l’avait appelé James Cyriax… « C’est possible », lui répondit-il. « Viens, nous verrons ».
Le bon maître écouta, réalisa son examen clinique et en conclut qu’on pouvait, effectivement, penser qu’un trouble discal dorsal pouvait expliquer tout (ou partie) des douleurs dorsales ET abdominales.
Dans son cas particulier :
Pour vérifier cette hypothèse (confortée par l’examen clinique standard) il réalisa les manœuvres préconisées par le docteur Cyriax…
Et ce monsieur sortit du cabinet de son ami soulagé à plus de 80 %.
Une semaine plus tard, les mêmes techniques furent nécessaires + deux infiltrations articulaires.
Depuis ce monsieur (toujours aussi « stressé » et perfectionniste) ne se plaint plus.
Il se rappelle plus souvent encore qu’auparavant que, pour soulager un patient, il faut l’écouter, l’examiner, penser à toutes les hypothèses, les tester et ne pas oublier que notre mécanique nous joue facilement des tours (douleurs projetées).
James Cyriax disait que le patient avait raison et qu’il fallait d’abord l’écouter et le croire.